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Rudy Goubet Bodart
On peut appeler "Ruse de la Raison" le fait que l'idée laisse agir à sa place les passions, en sorte que c'est seulement le moyen par lequel elle parvient à l'existence qui éprouve des pertes et subit des dommages ... Les individus sont donc sacrifiés et abandonnés. L'Idée paye le tribut de l'existence et de la caducité non par elle-même, mais par le moyen des passions individuelles. — G.W. Hegel

La théorie des discours lacanienne se présente comme une continuation de la ruse de la raison hegelienne. Le discours lacanien diffère notamment de l'althusserien (discours sans sujet) et du foucaldien (discours qui s'autonomise après avoir été tenu par un sujet).

Pour Jacques Lacan le discours, comme le mot même l'indique, est avant tout une cristallisation langagière (ce qui ne veut pas dire parolière) qui permet un certain type de lien social. Quatre discours, et donc quatre liens sociaux, sont déductibles à partir des éléments fondamentaux de la structure subjective telle que découverte par la psychanalyse (S1, S2, $, a) : Maître, Hystérique, Universitaire, Analyste.


Quelque soit le discours dans lequel il se trouve le sujet ne peut le tenir mais est nécessairement tenu par celui-ci. Le discours dominant de notre époque est le discours dit capitaliste qui contrairement aux quatre autres ne fait pas lien social et ne peut donc pas, réellement, être un discours.


A priori, cela apparait comme peu évident, mais les émeutes ne sont-elles pas l'exemplification parfaite de ce qu'est un discours, et plus précisément de ce qu'est le discours capitaliste ? Je rappelle d'abord la finesse de la langue française qui fait dériver le mot " émeute " de " émotion ". Ils s'émeuvent donc ils s'émeutent.


Dans une émeute, chaque sujet soumis à son émoi (et à son moi), à sa passion dirait Hegel, s'imagine agir dans une absolue liberté et comme cela est toujours le cas dans une telle situation, de rage, il casse tout. Après l'émoi, le déluge. Cela est tout à fait comparable à l'immense crise de colère qu'un enfant peut déployer — mais en vérité qu'il subit — lorsqu'il fait face à une injustice (réelle ou imaginaire) émanant de l'autorité parentale. Ses gesticulations incontrôlées et autres hurlements ne sont pas une démonstration de force mais bel et bien le témoignage de son impuissance à se défaire de l'impasse subjective produite par l'exercice d'une autorité qui le dépasse, et qui à l'occasion dévoile sa défaillance (à elle) pour mieux masquer sa faille.


La comparaison avec les émeutes n'est acceptable que jusqu'à un certain point. En effet, les émeutes ont beau être sans parole, elles n'en demeurent pas pour autant sans objet. À quoi les émeutiers s'en prennent-ils ? À des choses bien précises : les marchandises (qu'ils volent) et l'espace public (qu'ils saccagent). En cela, ils ne font que démontrer qu'ils sont les enfants, certes maudits, mais les enfants tout de même, du capitalisme, fascinés qu'ils sont par l'objet sacré de ce discours : la marchandise. Quid de l'espace public saccagé ? Le saccage de l'espace public est par définition ce à quoi procède le capitalisme dans sa frénétique privatisation et cela aboutit à la destruction progressive de toute possibilité de lien social. L'espace public, que l'on pourrait tout aussi bien appelé le bien commun, est le socle du lien social car, par définition, il ne saurait appartenir à quiconque puisqu'il est à tous. Cependant, la psychanalyse nous enseigne qu'une façon, certes imaginaire, de se faire le maître d'un objet (mais aussi d'une personne) est de le détruire. Telle peut être la signification du saccage de l'espace public par les émeutiers où sa destruction équivaudrait de facto à une privatisation, en ce qu'elle en prive chacun d'en faire usage et ainsi attaque un des fondements du lien social.


Ainsi les émeutiers aveuglés par leur passion, qu'ils s'imaginent momentanément libératrice, ne font que signer leur appartenance au discours capitaliste — où la marchandise règne au prix de la destruction du lien social — dont l'unique issue est l'éthique du Bien-Dire.

Dans son dernier ouvrage « Le phénomène trans — Le regard d'un philosophe » Dany-Robert Dufour porte la contradiction aux gender studies en s'appuyant sur la dichotomie classique entre nature et culture. À la nature le sexe, à la culture le genre. Il existe alors, selon le philosophe, deux sexes et des milliers de genres. En cela, il est tout à fait en accord avec Judith Pamela Butler et Paul Beatriz Preciado qu'il ne critique, en réalité, que très superficiellement à l'aide de considérations qu'il s'imagine psychanalytiques.


Sa pensée, son regard se réduisent en une proposition qu'il nomme « solution juridique » et qui consiste en l'inscription dans l'état civil de chaque individu à côté de son sexe (H/F), son genre qu'il pourrait alors choisir et/ou changer selon une liste préétablie par les associations LGBT. Cela est exactement ce que les transactivistes veulent obtenir, et ont obtenu, car cette étape administrative (changement de genre à l'état civil) est nécessaire pour faire de la transition (chirurgicale et hormonale) un droit. Les gens pourront enfin être eux-mêmes grâce à la science sponsorisée par l'État.


Le philosophe et professeur d'université qui se dit freudien ne mentionne pas une seule fois dans son ouvrage le rôle central du phallus dans la sexuation et dans la sexualité humaine. Il a beau dire que le transgenrisme ouvre au transhumanisme et que personne ne peut réellement changer de sexe, il ne donne pas l'impression de saisir en quoi sa proposition : « Vous pouvez changer de genre, mais vous ne pouvez pas changer de sexe » est dans la droite ligne de ceux qu'il imagine qui vont l'insulter de transphobie.


Il fait appel à la notion de discours chez Lacan et avance que le discours du maître est le discours de la production et celui du capitaliste celui de la consommation. Il ignore que le discours du maître est le fonctionnement propre au langage et que ce qu'il produit est du manque-à-être. Manque-à-être aussi appelé objet (a) que, toujours selon le philosophe, un analysant mettrait entre cinq et dix ans à trouver dans son analyse (...) Ainsi, il ne peut pas comprendre que l'être de l'homme n'a rien de naturel et que sa nature est sa dénaturation même.


Pour l'Homme la vie et le verbe se confondent. La vie est le verbe, le verbe est la vie. Il n'y a pas de réalité pré-discursive. La dichotomie nature/culture ne tient pas. Dire « nature » c'est toujours déjà s'en exclure. Si Dany-Robert Dufour avait pris au sérieux la psychanalyse, il dirait :


« Le langage est une vie, est notre vie et la leur. Non que le langage s'en empare et se la réserve : qu'aurait-il à dire s'il n'y avait que des choses dites ? C'est l'erreur des philosophies sémantiques de fermer le langage comme s'il ne parlait que de soi : il ne vit que du silence ; tout ce que nous jetons aux autres a germé dans ce grand pays muet qui ne nous quitte pas. Mais, parce qu'en ayant éprouvé en lui-même le besoin de parler, la naissance de la parole comme une bulle au fond de son expérience muette, le philosophe sait mieux que personne que le vécu est du vécu-parlé, que, né à cette profondeur, le langage n'est pas un masque sur l'Être, mais, si l'on sait le ressaisir avec toutes ses racines et toute sa frondaison, le plus valable témoin de l'Être, qu'il n'interrompt pas une immédiation sans lui parfaite, que la vision même, la pensée même sont, a-t-on dit, « structurées comme un langage », sont articulation avant la lettre, apparition de quelque chose là où il n'y avait rien ou autre chose. » Maurice Merleau-Ponty — Le visible et l'invisible (1964)


Le philosophe-professeur confond alors, sans surprise, le Maître avec le signifiant-maître mais aussi le discours capitaliste avec le marché. Si Jacques Lacan affirme que le capitalisme est un discours cela n'est aucunement pour en affaiblir ou réduire la portée (rien de plus astucieux n'a jamais été inventé) mais pour souligner qu'il s'agit d'un renversement de la structure langagière elle-même, ce qui implique donc que la matérialité (économique et politique) du capitalisme est un effet du discours, et non l'inverse. Le discours capitaliste n'est pas tant celui de la consommation que celui de la consumation et de l'exploitation du sujet par lui-même, s'imaginant maître du langage, et produisant ainsi ses propres identités, celles-là mêmes que Dany-Robert Dufour soutient sans le savoir.

Rudy Goubet Bodart

Une formation de l'inconscient ne relève qu'assez rarement du discret ou du subtil ... cela vaudrait davantage pour son interprétation.


Le retour du refoulé — qui n'est autre que le refoulement lui-même — qu'il prenne la forme d'un rêve, d'un lapsus, d'un symptôme, d'un oubli, d'une faute d'orthographe ... est plutôt comme l'éléphant dans la pièce ou le nez au milieu du visage.


C'est si évident, si visible — et du visible au risible il n'y a qu'une lettre — que ça en crève les yeux. Littéralement.


« Le bien connu en général, pour la raison qu'il est bien connu, n'est pas connu. C'est la façon la plus commune de se tromper et de tromper les autres, à propos du connaître, que de présupposer quelque chose comme bien connu » — Georg Wilhelm Friedrich Hegel


Nous savons tous depuis l'enfance que la meilleure façon de (se) cacher quelque chose est de l'exposer au vu et au su de tous.


Le quidam s'autorise alors à être juge esthétique et interprète herméneutique des logos et symboles contemporains choisis pour nous guider vers le Bien.


Cela rappelle étrangement l'histoire de la flamme olympique qui, aujourd'hui encore, fait le tour du monde tous les quatre ans pour rappeler et faire oublier dans un même mouvement son origine.



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