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Rudy Goubet Bodart






"Donner ce que l'on a à quelqu'un qui en veut"


N'est-ce pas là une définition plutôt précise de la charité ?


Une lecture attentive de Lacan nous indique que la charité va à l'encontre de l'amour puisqu'elle serait son envers, son inversion.


L'amour c'est donner ce que l'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas.


Alors que l'amour est la mise en jeu et le don de sa propre incomplétude à un autre qui ne peut bien évidemment pas nous la demander, à l'inverse, la charité est le don de ce que le sujet possède à un autre qui ne demande que ça, qui en a besoin même.


L'amour est un violent appauvrissement du Moi, voire une destitution subjective, alors que la charité en est un doux enrichissement, un renforcement narcissique.


Seuls ceux qui possèdent peuvent se permettre d'être charitables.


La charité est à la limite du luxe, de l'exhibition de ce que l'on a en trop, en excès.


Il suffit de lire Marcel Mauss pour se convaincre que depuis la nuit des temps les peuples rivalisent, non seulement par la guerre, mais aussi par un jeu de don et contre-don pour se montrer les uns aux autres à quel point ils sont supérieurs (potlatch).


Ainsi la charité ne subvertit pas la réalité en cours mais concourt à sa perpétuation, soit à l'enracinement de chacun à la place qu'il occupe déjà.


On ne peut aimer véritablement une personne et être charitable envers elle, ni même être charitable envers une personne et l'aimer en même temps.


Une mère peut-elle être charitable envers son enfant ?


Lorsque nous faisons l'objet de charité, est-ce réellement agréable ? N'éprouvons-nous pas comme une sorte de honte ou de culpabilité ? Ne nous sentons-nous pas redevable ? Et au-delà de ces considérations affectives, cela ne nous empêche -t-il pas de traverser cette épreuve par nos propres moyens ?


D'ailleurs, Louis-Ferdinand Céline ne dit-il pas que les gens se vengent des services qu'on leur rend ?


Mais lorsque nous sommes aimés, en va-t-il de même ? Absolument pas. Nous nous sentons légers, libres de toute culpabilité et heureux de traverser cette épreuve bouleversante - si nous avons été au préalable assez courageux pour en relever le défi.


Et cette fois-ci, lorsque nous aimons, la réalité subjective est radicalement subvertie et le sujet est désormais méconnaissable pour lui-même et son entourage et est capable désormais d'accomplir des choses dont personne (même pas lui-même) ne le soupçonnait.

Le christianisme vacille donc nécessairement sur l'extrême pointe d'une fine crête séparant la perversion et la subversion (la charité et l'amour).


Et il semblerait que seuls l'idéalisme Allemand avec Hegel (qui est Le philosophe de l'amour) et la psychanalyse, qui en est l'héritière, possèdent les concepts pour effectuer la découpe essentielle au sein même du Christianisme.


Ce qui nous apparaît comme crucial à notre époque qui est, comme le dit Gilbert Keith Chesterton, celle des valeurs chrétiennes devenues complètement folles.


D'ailleurs Lacan ne dit-il pas lui-même que le psychanalyste "décharite" ? Mais est-ce à dire qu'il aime ?


La psychanalyse est incontestablement une pratique de l'amour ; un amour particulier que les Grecs appelaient Agapè.


Plus on est de Saints plus on rit !

Rudy Goubet Bodart

Lorsque j’écoute une musique "qui me parle", il y a toujours deux temps.


Le premier, celui d'abord où je me reconnais comme auditeur, j’écoute la musique.


Puis le second, où je suis reconnu comme auditeur par la musique qui m’arrive.


La musique me reconnait littéralement.


La musique devient une question, une énigme qui m’assigne, en tant que sujet, à devoir lui répondre (Qu'est-ce que j'entends quand j'entends cette musique ? Qu'est-ce qui me touche ? Che vuoi ? ).


C’est-à-dire que la musique se constitue comme m’entendant, comme sujet (supposé entendre) ...


L'Autre, ici la musique, qui me constitue comme sujet, je l'aime.


La musique n'en aura donc jamais fini de produire des effets d'amour.

Rudy Goubet Bodart

Comme le disait Gilbert Keith Chesterton : “Les hommes qui croient réellement en eux-mêmes sont tous dans des asiles d’aliénés.”


Il a fait preuve d'assez de finesse pour ne pas préciser s'il parlait de ceux que l'on nomme gentiment les "patients" ou encore "usagers" ou bien les personnes qui y travaillent.


Voila deux ans que j'ai quitté les "soins psychiatriques" où j'ai travaillé pendant trois années. Renommés de façon politiquement correcte "Etablissement Public de Santé Mentale" - parce la santé mentale est un droit bien entendu - et le moins que je puisse en dire est que les fous ne sont pas ceux qu'on croit, mais ceux qui s'y croient.


La plus grande folle que j'y ai rencontrée se présentait ainsi : "Je suis la chef de Pole de l'EPSM."


Elle s'y croyait, elle se prenait vraiment pour la chef de Pole de l'Etablissement Public de Santé Mentale, n'ayant jamais l'ombre du doute (salutaire) qu'elle occuperait peut-être une place dans la structure (pas seulement hospitalière, mais surtout langagière).


Le fou ce n'est pas seulement le mendiant qui se prend pour le roi mais aussi le roi qui se prend pour le roi.

Prétextant que j’étais "lacanien", elle m'avait notamment demandé de faire des séances courtes (10-15 minutes) ... ça aurait fait gonfler les chiffres de l'entreprise.


Le pire là-dedans c'est certainement que d'autres la suivaient dans sa folie, et lui donnaient ainsi encore plus de raisons de s'y croire. Dès qu'elle rappliquait quelque part c'est à peine si les jambes ne tremblaient pas, jouant aux bons élèves, pour lui plaire ou ne pas lui déplaire, certains pouvaient se débarrasser à l'envi de leur semblant d'honneur, comme on se débarrasse d'un kleenex usagé.


Au service du discours courant, ces sujets se prenant pour des individus en dirigent d'autres qui en dirigent d'autres qui essayent tant bien que mal, avec les moyens du bord, d'en aider d'autres.

C'est à peu de choses ce qu'Hannah Arendt nommait la banalité du mal.

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